Tout commença bien avant leur venue au monde. Alors que leur père était jeune et fort, un mâle gris, très robuste. Il vivait seul dans un coin reculé de la forêt de Cerfblanc. Il avait toujours mangé à sa faim, même en hiver, grâce à ses compétences de chasseur. Un groupe de chats errants fit son apparition dans la forêt. Mais le matou gris ne s'alarma pas, il était sûr de pouvoir leur faire face si ils venaient à s'aventurer sur son territoire.
Il venait de finir sa souris. Peu dodue, mais suffisamment pour lui tout seul. Il enterra le reste de la carcasse, lorsqu'il senti une odeur qu'il ne connaissait pas. Non. Pas une, mais quatre odeurs différentes. Il se leva précipitamment et fixa le buisson par lequel les quatre félins allaient sortir. Son flair ne s'était pas trompé, trois mâles et une femelle apparurent devant lui.

" Et bien mon petit, tu ne nous as rien laissé ? "

Il cracha sur la femelle. Elle le traitait comme un chaton, et il avait horreur de ça.

" Calme-toi. "

Feula un matou roux qui devait, à l'évidence, être le compagnon de la femelle car il vint se placer à côté d'elle. Il remarqua que le ventre de la chatte était très arrondit. Elle devait attendre leurs petits.

" Nous venons te faire une proposition. "

Il ne laissa même pas le temps à son interlocuteur de répondre.

" Vois-tu, nous allons avoir besoin d'un plus grand territoire, avec ces quelques bouches supplémentaires à nourrir, aussi nous venons nous emparer de ton petit bout de terre. "

" Jamais ! Je préfèrerais mourir plutôt que d'offrir mon territoire à des cervelles de souris comme vous ! "

Rétorqua le matou gris.

" Très bien, c'est ton choix. "

Les deux autres félins sautèrent sur lui. Il se débattit comme il put, mais contre deux mâles aussi forts, il n'avait aucune chance. Mais il fini par faire valser le plus petit des deux, et parvint à se dégager. Les futurs parents se joignirent au combat. Ce qui l'étonna fortement, qu'une femelle pleine prenne part à un combat... Puis tout se passa très vite, il mordit un cou qu'il n'identifia pas et le tua. La chatte poussa un terrible cri, et rendit son dernier souffle. Aussitôt, le combat cessa. Tout le monde retint son souffle pendant ce qui lui parut une éternité. La forêt toute entière semblait retenir son souffle. Soudain on entendit un cri de désolation qui fit sursauter tout le monde. Le compagnon de la femelle se rua vers elle. Il la pleura de tout son corps. Et le tueur en profita pour prendre la fuite...

...

Bien des lunes plus tard, alors que tout cela était loin derrière lui, le Gris - nous allons l'appeler comme ça maintenant - continue de faire des cauchemars. Toutes les nuits ils se réveillait en sursaut alors qu'il revoyait sans arrêt la mort de la future mère. Il s'en voulait terriblement d'avoir tuer une chatte et ses futurs chatons. Il éprouvait tellement de peine pour elle et pour son compagnon, que pendant un moment, il en venait même à se demander s'il méritait de vivre. Mais un jour il retrouva confiance en lui. Pas de lui même. Il rencontra un chatte blanche comme la neige aux yeux d'un magnifique bleu métallique, qui devint SA raison de vivre. Il ne vivait pas plus que pour lui même, mais pour elle. La Blanche - parce que c'est comme ça qu'on va l’appeler - est au courant du meurtre de son compagnon. Depuis le début elle sentait qu'il avait quelque chose sur le cœur, et elle voulait l'en libérer.
Un beau jour, de leur amour naquirent trois chatons. Trois mâles. Un blanc aux yeux verts, un gris aux yeux bleus et un noir et blanc aux yeux doré. Ils était tous les trois très différents, pas seulement physiquement, mais aussi mentalement. Disons que le premier était le plus sage, le second le plus agité et le plus gentil et le troisième le plus discret. Ils vécurent heureux tous les cinq pendant de nombreuses lunes. Non, ce n'est pas la fin d'un conte de fée. Bien au contraire.

Les petits venaient d'atteindre leur 6ème lune. Un âge où les chatons commencent à apprendre à vivre comme un adulte. Ils apprenaient à chasser et à combattre... Mais en hiver, lorsque la température diminuait fortement, les petits restaient au près de leur mère. Le Gris alla chasser seul avant l'aube.
Il sortit de leur tanière, sous un gros rocher. Les chatons et leur mère dormaient encore. Il huma l'air, mais ne renifla rien. Durant toute la matinée, il tenta de trouver une trace de gibier. Mais il ne trouva qu'un petit campagnol bien maigre, il l'enterra sous un buisson et repris sa route. Malheureusement, le vent se leva. Et une tempête se déclencha. La neige le glaça jusqu'aux os. Le Gris courrait dans la tempête, cherchant un endroit ou se cacher. Par chance, il découvrit une petite ouverture dans le bas du tronc d'un arbre, il s'y faufila et attendit que le déluge se calme.

Le Gris ouvrit les yeux. Il s'était assoupit dans sa cachette, en attendant que la tempête cesse. Il sortit et posa une patte après l'autre dans la neige, alla chercher sa proie et reprit le chemin du retour.
Soudain, il s'arrêta. Un horrible frisson de terreur parcourra son échine. Il huma l'air. L'odeur du campagnol qu'il tenait dans la gueule était très forte, mais cette autre odeur, il la reconnaitrait entre mille. Cette odeur qu'il tentait d'oublier depuis tant de lunes. Cette odeur qui lui donnait des cauchemars toutes les nuits. Cette odeur, c'était celle des chats errants qu'il avait rencontré étant jeune. Il reconnu la puanteur des deux mâles et du compagnon de la femelle défunte. Il se mit aussitôt à courir vers sa tanière...

" Chérie, ils sont de retour. "

Les yeux de la Blanche s'écarquillèrent. Elle n'avait jamais rencontré les trois félins, mais elle en avait tellement entendu parler par son compagnon, qu'elle en avait une peur bleue. Durant les jours qui suivaient l'annonce du Gris, sa compagne était extrêmement tendue, elle devenait psychopathe et voyait le mal partout. Les trois chatons s'en étaient certainement rendu compte, parce qu'ils devenaient tendus eux aussi.
Et puis ce qui devait arriver arriva. Les chats errants retrouvèrent la trace du meurtrier. En pleine nuit, alors que toute la petite famille dormait :

" Tu n'as pas perdu te temps à ce que je vois. "

La voix stridente du mâle roux sortit le Gris de son sommeil, le faisant pousser un petit cri de surprise, ce qui réveilla la Blanche. Il se mis rapidement sur ses pattes, alors que sa compagne encercla leurs petits de la queue. Les deux matous se fixèrent un long moment. Et se mirent à râler.

" Vas-t-en ! "

Lui cria le Gris. Les chatons commencèrent à gesticuler, réveillés par leur père.

" Je dois d'abord la venger. "

Une pointe de tristesse vint se mêler à la colère du rouquin. Son regard passa de la Blanche au Gris. Celui-ci lui sauta dessus, pour défendre sa famille. Ils se battirent comme des fous. Les deux autres mâles ne bougeaient pas. C'était la vengeance du rouquin et à personne d'autre.
Le gris se fit envoyer au tapis. Il ne bougeait plus. Les petits pleuraient, croyant leur père mort. Et le rouquin tua la Blanche d'un grand coup de patte. Son sang éclaboussa sur la terre froide. Apeurés, les chatons s'étaient réfugiés derrière un petit rocher. Tous, sauf un. Nuit. Il était resté auprès de sa mère, enfonçant sa tête dans le corps sans vie de sa mère. Il pleurait et hurlait si fort... Mais le rouquin n'eut aucune pitié pour le fils du meurtrier de sa compagne, et lui infligea le même sort qu'à sa mère. Le petit corps du chaton se retrouva plongé dans une énorme flaque de sang...
Le Gris se fit tuer à son tour. Toujours en retrait, les deux complices semblaient assister à la scène comme des spectateurs. Alors que le tueur se tourna vers les deux autres chatons, Furie - celui dont le pelage était identique à celui de son père - lui fit une proposition. Se comportant pareillement à un adulte, il proposa au chat qui avait décimé la moitié de sa famille de les emmener avec eux. Après réflexion, le rouquin accepta.

...

Tout le monde le croyait mort. Mais non. Deux jours après la morts de sa mère et de son père, et le départ des chats errants, Nuit se réveilla, plus affamé et plus affaiblit que jamais. Lentement, il s'assit. Les corps de ses deux parents gisaient l'un à côté de l'autre, dans une tâche de sang sec. L'odeur était insoutenable. Il crut même qu'il allait tourner de l’œil s'il restait une seconde de plus dans cette tanière. Alors, sans même regarder derrière lui, de peur de voir l'état du corps en décomposition de ses parents, Nuit parti. Il boitait légèrement, sa patte arrière était fortement amochée. Et il avait le tournis, suite au violent coup de patte qu'il avait reçu.
Dehors, la neige était en train de fondre. Le soleil transformait toute cette glace en eau, et le sol était recouvert de flaques. Quelques fleurs et touffes d'herbe verte commençaient à sortir du sol ; c'était le début de son premier printemps.
Nuit s'approcha d'une des nombreuses flaques d'eau et analysa son reflet : D'horribles griffures sur sa joue gauche, encore dégoulinantes de sang et son oreille gauche était déchirée. Il s'en était quand même bien sortit. Mais, de loin, on le prendrait certainement pour un hérisson ! Son pelage était couvert de sang séché. Ce qui le rendait tout collant et d'une couleur rougeâtre, vraiment répugnante. De plus, son odeur le dégoutait lui-même. Il repensa à sa mère, elle l'aurait débarrassé de cette couche de sang et l'aurait réconforté dans ce terrible moment. Malheureusement, elle n'était plus là, et elle ne sera jamais plus.
Il décida de laisser tout cela derrière lui, tout ce dont il avait besoin c'était un bon bain. Seulement, le ruisseau le plus proche était à une demi-journée de marche, et le chaton avait terriblement faim. Il pensa à aller chasser, mais cela n'était pas raisonnable, dans son état. Alors il dénicha un vieux terrier abandonné et s'y coucha.
Les jours passèrent, et le petit se remettait de son choc. Néanmoins, il avait vu ses parents se faire tuer sous ses yeux, il a même faillis y passer ! Et il a perdu la trace de ses frères. Il erra de nombreuses lunes, seuls, dans la forêt en chassant comme son père si doué le lui avait appris.
A 26 lunes, il était devenu un chasseur hors paire ! Il ne ratait presque aucune proie désormais. Il vivait sur les landes, à l'ouest de la forêt. Et il était devenu très rapide à force de chasser le lapin dans des terrains si dénudés de toutes verdures. Un jour, Nuit à rencontré des chats sauvages. Un petit groupe de trois ou quatre, ils semblaient patrouiller dans les landes, jusqu’au ruisseau, sans jamais aller plus loin. Mais, étant de nature peu curieuse, le félin aux yeux d'or n'avait pas chercher à en savoir davantage sur eux.
Nuit n'avait jamais oublié le jour où sa vie a basculé. Le meurtre de ses parents et la disparition de ses frères. A force de vivre seul, il s'était endurcit, et avait beaucoup changé. Lui qui semblait si inoffensif à l'époque, était maintenant arrogant et très manipulateur. A chaque fois qu'un solitaire s'aventurait sur son territoire, Nuit, l'amadoué pour mieux le tuer. C'était sa façon à lui de ne pas devenir fou, avec ce traumatise qu'il avait vécut étant petit, ça façon de venger ses parents, en tuant des innocents...

Le jour où Nuit devint Nuit Noire était un sombre jour d'automne, alors que le vent soufflait terriblement fort, tel cette tempête hivernale qui avait faillis emporter son père avant sa mort. C'était un vent glacial, accompagné de quelques gouttes de pluies qui tombaient des gros nuages noirs qui obscurcissaient le ciel. Une patrouille du Clan du Vent faisait sa ronde dans les landes, malgré les intempéries. Et, Nuit se retrouva nez à nez avec eux.

" Nous t'avons enfin trouvé ! "

S'émerveilla une jeune femelle, qui ne devait pas avoir plus de 8 lunes. Un mâle brun tigré lui donna une pichenette sur le nez avec sa queue, comme pour la punir d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas.

" Pourquoi me cherchiez-vous ? "

Demanda calmement Nuit, ne montrant aucun signe de peur ou de colère.

" Tu est sur notre territoire. Ces landes appartiennent au Clan du Vent. "

Expliqua le matou tigré, sur le même ton que l’intrus.
Soudain un éclair zébra le ciel, donnant un peu de lumière à ce ciel cruellement sombre. Le mâle donna l'ordre à ses camarades d'encercler Nuit, afin de l'emmener au camp.

Le camp du Clan du Vent était bâti contre un gros rocher qui leur servait également de Promontoire pour les annonces du chef. Deux tanières faites de branchages étaient contre la pierre, et servait d'abris aux plus jeunes et aux plus vieux. Les autres dormaient dehors, à la belle étoile. Quelques buissons coupaient un peu le vent, mais rien de plus.
Le chef du Clan fit une proposition à Nuit : Les rejoindre, ou mourir. Cela n'avait pas beaucoup plut au Clan qu'un inconnu leur pique du gibier pendant tout ce temps. Aussi, il avait le choix : Perdre sa liberté de solitaire ou mourir.
Il passa toute la nuit à réfléchir. Sans fermer l’œil. Deux chats s'étaient relayer pour le surveiller durant la nuit, et il n'était pas question de filer en douce...
Le lendemain matin, après mures réflexion, Nuit accepta de rejoindre le Clan du Vent. Il faut dire qu'il n'avait pas vraiment le choix...
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